Portrait

Dr Linda BOUBOUTOU, La reine du village Santé Africa

 

1-  Présentez-vous svp

Je m’appelle Dr Linda BOUBOUTOU KABORE, pharmacienne d’officine, présidente d’Africa Santé Expo, marraine des tradipraticiens (c’est comme ça qu’ils m’appellent), experte et consultante en médecine traditionnelle, chargée de l’éthique et de la promotion de la médecine traditionnelle ; propriétaire d’un concept-store RUTHYS PLUS, et une   société de représentation de marque de laboratoire RUTHYS PRO qui organise aussi Africa Santé Expo.

 

2-  Comment êtes-vous arrivée à la pharmacie ?

Je suis tombée dedans quand j’étais petite parce que je suis issue d’une famille de 5 pharmaciens et à notre époque on ne choisissait pas son métier. Je suis l’ainée de mes parents et l’ainée des petits-enfants de mon grand-père donc je suis la doyenne des petits-enfants aujourd’hui. Et je dois servir de modèle à tous ces petits-enfants qui me suivent donc j’ai une lourde charge. Mon père était pharmacien, il était logique que je sois pharmacienne. Mais je ne suis pas que pharmacienne. Tout ce que je n’ai pu faire dans ma jeunesse, je l’exprime maintenant que je suis à l’âge de la retraite. J’exprime mes passions dans tout ce que je fais aujourd’hui.

J’aime l’évènementiel, faire la cuisine, la mode, l’art, la culture, la tradition donc rien n’est surprenant pour ceux qui me connaissent depuis que je suis jeune. C’est tout ce que je faisais en dehors de la pharmacie que j’exprime maintenant. Au-delà de ça, j’adore mon métier de pharmacienne. Je suis passionnée par mon métier, spécialement par le bio et le naturel et la galénique qui permet de faire des préparations. Parce que depuis l’âge de 2 ans, j’ai toujours fait des préparations avec mon père. On s’enfermait tous les deux dans la pharmacie et on faisait des crèmes, des lotions, etc. Il disait que c’était pour faire maigrir les femmes grasses. On faisait beaucoup de voyages à l’intérieur des terres en Afrique, où il expliquait les plantes, etc. Et tout cela m’a marqué. La matière dans laquelle j’avais un sans-faute c’était la botanique. C’est peut-être pour ça que je suis aujourd’hui marraine des tradipraticiens. Donc tout ça c’est lié.

 

3-  A côté de tout ça vous êtes engagée dans l’humanitaire avec le Lions Club, racontez-nous comment vous avez intégrée cette association.

J’ai toujours fait des actions sociales spontanément. Je fais des dons dans des pouponnières, etc. Et un jour, une personne m’a vu faire et elle m’a approché et m’a invité au Lions Club. Je suis allée voir et ça m’a plu. Le Lions Club ce n’est pas que faire des actions sociales. C’est aussi une grande école de formation. Dans cette association on forme à être les leaders de demain. Et moi j’ai eu la chance, dès que je suis arrivée, 3-4 mois après, je suis devenue responsable de tous les jeunes de 18 à 33 ans, ce qui fait que j’ai beaucoup de filleuls. Il s’agissait pour moi de les amener vers l’excellence donc je les ai formés pendant 4-5 ans et moi-même je me suis formée auprès d’eux. Ça fait 7 ans maintenant que je suis au Lions Club et ça fait 4 ou 5 fois que je suis membre du cabinet du gouverneur. J’ai été présidente de zone et j’ai eu beaucoup de prix d’excellence. Dans cette association on nous offre des formations dignes de HEC. On nous forme à être dans l’excellence au cours de notre vie professionnelle, active et au Lions Club.

Je vous assure que donner du bonheur à quelqu’un, procure du bonheur. Et vous vous rendez compte que des fois, vos problèmes sont minimes. Une des choses que j’adore faire dans cette association c’est le reboisement. Je pense avoir organisé des plantings pour près de 20 mille arbres au total en Côte d’ivoire.

 

4-  Vous le disiez, vous êtes marraine des tradipraticiens, comment est né cet intérêt pour la médecine traditionnelle ?

Mon père, très jeune, m’a appris les plantes. Quand je suis partie faire mes études en France, j’avais un sans-faute en botanique. Quand je suis rentrée, il y avait un décalage entre ce que j’avais appris et ce qui se faisait ici puisque ce n’était pas les mêmes plantes donc il a fallu me reformer. Je me suis formée ici à l’homéopathie, à la botanique, etc. D’ailleurs dans ma pharmacie, il y a beaucoup de produits naturels depuis très longtemps avant même que le bio ne soit à la mode.

Quand j’ai fait la première édition d’Africa Santé Expo, j’ai réussi à faire accepter à mes confrères, les tradipraticiens. Ça n’a pas été facile. On me disait : « laisses-les de côté ceux-là, on n’a pas besoin d’eux ». Et je répondais : « non. On ne peut pas laisser des gens qui soignent 80% de la population à l’écart. Au contraire, il faut les amener avec nous, les mettre en confiance, et les mettre dans une démarche qualité ». C’est mon combat et la lutte que je mène. Et c’est comme ça que les tradipraticiens ont fini par m’appeler marraine. Malgré le titre d’expert en éthique et promotion de la médecine traditionnelle que le ministre AKA AOUELE m’a attribué, les tradipraticiens continuent de m’appeler marraine, pour eux c’est beaucoup plus simple. J’ai aussi beaucoup de filleuls dans ce milieu et parmi eux il y a des médecins et des pharmaciens de formation. Ce ne sont surtout pas des charlatans.

Eux aussi étaient hésitants au début, ils se disaient : « mais celle-là elle veut quoi ? Elle veut prendre nos secrets ? » Il a fallu que je les réunisse tous pour leur expliquer qui j’étais et que ce n’est pas mon métier premier. Moi c’est juste une passion. Donc y’en a qui ont compris. A la première édition d’Africa Santé Expo, ils étaient 17 et ils ont vendu dans le monde entier. A la 2è édition, il y en a 44 qui se sont enregistrés mais finalement ils étaient 88 à être présents et ont réussi à épuiser tout leur stock. Et depuis Africa Santé Expo, ils sont connus dans le monde entier pour la qualité de leurs produits. La seule chose qui manque, c’est l’institut de recherche. Et à la première édition, le ministre Kouakou Bandama leur a appris la propriété intellectuelle pour enregistrer leurs produits et les protéger. Mais le problème c’est le coût. Il faut revoir le coût des enregistrements. Ils ont envie de le faire pour protéger leurs produits mais ne peuvent se le permettre tant les montants sont énormes. Il faut faire un effort à ce niveau.

 

5-  Pendant la période Covid, on vous a beaucoup vu à la télé, pourquoi un tel engagement surtout face une maladie si dangereuse et méconnue ?

C’était une question de survie. Avant que la maladie n’arrive en Côte d’Ivoire, j’ai réuni mes filleuls, les tradipraticiens. Je leur ai dit : « je suis sûre que vous avez la solution. Je suis sûre que vous pouvez soigner en préventif et les symptômes légers d’une maladie qui frappe à notre porte ». C’était le 15 février et le 27 février ils m’ont dit marraine, nous sommes prêts. Nous étions près de 70 et chacun a amené ses produits. La médecine traditionnelle était prête mais on n’a pas trouvé d’oreilles attentives. J’ai tapé à toutes les portes mais rien.

Pendant que nous luttions comme nous pouvions, avec nos propres moyens, pour sensibiliser la population, la télévision m’a appelé un jour pour remplacer un de leurs invités qui n’a pas pu être là. Après ils m’ont demandé de revenir le lendemain car selon eux les informations étaient expliquées simplement et tout le monde comprenaient facilement. Et la régie m’a confié qu’ils avaient reçu pleins d’appels cherchant à savoir qui j’étais et qu’il fallait que je revienne pour expliquer d’autres points. Et ça a continué ainsi, tous les jours, tous les midis jusqu’à la période de vacances de cette émission.

Pendant cette période j’ai voyagé à l’intérieur de la Cote d’Ivoire avec ma famille et quand j’arrivais on disait : « mais c’est Tantie Corona ; tu nous as fatigué mais tu nous as trop bien expliqué». Partout où j’ai été, les gens m’ont reconnus et je ne savais pas que ça avait autant touché. Le jour où j’ai été le plus surprise, c’est quand on m’a appelé de l’état-major de Cote d’Ivoire. J’ai rencontré quelqu’un qui a parlé de moi à l’état-major et ils ont tenu à me rencontrer. Ils m’ont invité à manger et ils m’ont dit : « docteur on voudrait juste vous dire merci, on vous a tellement suivi. Tout le temps, sauf quand on était en mission, à 12h25, on se réunissait tous dans la salle à manger pour vous suivre ».

Quand on fait ce genre de choses, il y a des gens qui nous attaquent mais ça, c’est un plaisir parce que je ne pouvais pas imaginer que des généraux qui assurent notre défense se donnaient rendez-vous pour manger à midi devant la télévision pour suivre Tantie Corona.

 

6-  Revenons à Africa Santé Expo, qui au début était PharmAfrica Expo, d’où est partie l’idée d’un tel évènement ?

En tant que pharmacienne, j’ai assisté à beaucoup d’évènements pharmaceutiques à l’étranger, on était bien formés mais je ne voyais pas l’impact sur nos problèmes de santé en Afrique. C’est là que mon premier assistant m’a dit : « est-ce que vous ne pouvez pas vous-mêmes mettre en place un tel évènement ? »

Et donc j’ai mis en place un évènement conforme à nos réalités et étant pharmacienne je l’ai appelé Pharma Africa Expo et j’ai invité les tradipraticiens car eux aussi fabriquent des médicaments. La première édition a été un véritable succès. Elle a enregistré 2500 participants et 16 pays, ça a été 3 jours de communion entre pharmaciens. Je me suis dit que les pharmaciens seuls ne peuvent pas trouver de solutions pour améliorer la santé de nos populations, l’accès aux soins et aux médicaments de qualité. Donc je me suis rapprochée des médecins, ils ont accepté, la santé connectée a dit oui, la beauté cosmétique a dit oui, la botanique, l’environnement et le développement durable, la santé dans l’assiette, tout le monde a dit oui. Je ne pouvais plus garder ce nom de Pharma Africa Expo même si il me colle encore à la peau. Beaucoup de pharmaciens disent qu’ils ne me comprennent pas parce que c’est un évènement pharmaceutique, mais non. Le comité scientifique est sous la co-présidence de l’Ordre des médecins et de l’Ordre des pharmaciens et nous avons différents ministères et partenaires qui nous accompagnent. Tous les intervenants du monde de la santé se retrouvent sur une même plateforme pour discuter et faire des avancées en Afrique et ce n’est plus un évènement national mais international puisqu’à la 2è édition on a eu 7500 visiteurs et 33 pays présents. Et surtout, c’est devenu au fil du temps la grande semaine de la santé du ministère de la santé comme le SARA l’est pour l’agriculture. Donc c’est vrai que j’ai initié cet évènement mais il ne m’appartient pas tout à fait, les décisions ne se prennent pas seuls. Moi je lance la vision et il faut que le ministre valide. Le ministère à part entière fait partie de l’aventure.

 

7-  Avez-vous rencontré des difficultés dans la mise en place de cet évènement ?

Je continue toujours de rencontrer des difficultés mais je ne veux pas m’étaler là-dessus. DR AKA AOUELE a dit lors du lancement de la première édition en 2020: « Africa Santé Expo me fait penser à une banque panafricaine. Quand nous avons commencé à créer Africa santé expo, je ne vous dit pas tout ce que nous avons subi. Mais quand maintenant je vois que cette banque est présente dans 25 pays, pour moi Africa Santé Expo, c’est la même chose. Donc je souhaite bonne chance à Africa Santé Expo et tenez bon docteur ». Donc ça, ça me fait tenir. Quand vous allez dans un grand forum international et que le ministre de l’industrie, sur le panel auquel il participe, vous cite : « je vois DR KABORE dans la salle. Ce sont des évènements comme le sien, qui permettent d’avancer. Si l’industrie pharmaceutique est en train de décoller aujourd’hui, c’est grâce aux travaux qui ont été effectués pendant Africa Santé Expo avec la déclaration d’Abidjan ». Est-ce que là ça ne motive pas pour aller encore de l’avant ? Avec mes proches collaborateurs on a essayé d’énumérer les retombées d’Africa Santé Expo et je pense qu’une interview n’est pas suffisante pour tout citer. Les retombées pour notre pays sont extraordinaires à tel point que beaucoup de pays sont en train de faire des petits Africa Santé Expo et ils m’invitent. Y’en a certains même qui viennent pour voir comment on fait. Et c’est une fierté.

 

 

8-  Quels conseils pouvez-vous donner à ces jeunes qui veulent s’inspirer de vous afin d’être meilleurs dans leur milieu ?

Déjà il y a un outil formidable qui est le téléphone qui donne accès à plusieurs moteurs de recherche. Au lieu d’aller s’affairer seulement sur les réseaux sociaux, de suivre de ‘’pseudo coach’’, prenez vos téléphones et formez-vous. Sur pas mal de sites internet gratuits il y a des formations gratuites. Je ne parle pas des faux sites.

En un mot, le secret ; c’est de se former constamment.

 

YESSO Danielle

 

 


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