Portrait

DOCTEUR RAYMOND BLEU-LAINE, LE PHARMACIEN DIGITAL

 

1-   Présentez-vous svp.

Je suis Raymond Bleu-Lainé, Docteur en Pharmacie, Pharmacien-Consultant et enseignant vacataire à l’U.F.R Sciences Pharmaceutiques et Biologiques à l’Université FELIX HOUPHOUËT BOIGNY D’Abidjan.

 

2-   Pourquoi avoir choisi de faire des études de Pharmacie ?

Au départ, c’est ma mère qui m’a poussé à m’orienter en Pharmacie. Je n’étais pas sûr au début de vouloir étudier la Pharmacie, je ne savais même pas ce que je voulais faire. J’ai donc décidé d’essayer ce que ma mère me suggérait. La première année d’étude en Pharmacie était pour moi le moyen de voir si cette profession était pour moi et peut-être le moyen par lequel je pourrais trouver ma voie si cela ne marchait pas. Etonnement, j’ai réussi ma première année, ainsi que toutes les autres années d’ailleurs. Et au fil des années, je me suis rendu compte que j’appréciais ce métier, qui est un métier noble et qui est au service des autres.

3-   Pourquoi avoir choisi de faire vos études en Belgique ?

J’ai effectivement commencé mes études en Belgique, où j’ai eu mon premier diplôme à l’Université Catholique de Louvain, campus de Woluw-Saint-Lambert (Bruxelles). J’ai ensuite eu un diplôme d’études spécialisées en Pharmacie d’industrie, organisé et décerné par 3 universités : l’UCL, l’Université Libre de Bruxelles et l’Université de Liège. Mais j’ai également, après avoir travaillé un petit moment, étudié aux USA à l’Université de Maryland, école de Pharmacie à Baltimore où j’ai obtenu un Doctorat en Pharmacie (PharmD).

La Belgique a été un choix de raison pour poursuivre des études de Pharmacie en occident. Le pays était francophone, assez petit et il y avait toutes les infrastructures et l’environnement pour pouvoir bien étudier. De plus je voulais m’orienter en industrie pharmaceutique et là encore il n’y avait pas à l’époque de D.E.S en Pharmacie d’industrie à l’UFR d’Abidjan. Enfin, durant mes études de pharmacie, j’ai réalisé l’importance de l’anglais, j’ai donc souhaité être bilingue en allant poursuivre mes études aux Etats-Unis et pouvoir aussi me frotter au pragmatisme américain.

 

4-   Qu’est-ce qui a motivé votre retour en Côte d’Ivoire ?

Je vais vous surprendre peut-être, mais en partant, je savais que je reviendrais. C’était juste une question de temps. Ainsi, après avoir passé près de 8 ans en Belgique, puis plus de 11 ans aux USA. Il était temps de revenir. En effet, j’avais pu travailler en officine et en industrie pharmaceutique en Belgique. J’avais pu acquérir des compétences cliniques et managériales aux USA. Après plus de 14 années d’expériences professionnelles à l’étranger, je me sentais prêt à revenir au pays apporter ma petite expérience. En sus, vu que je m’étais marié et que j’avais eu des enfants, je n’étais plus seul dans l’équation du retour, car à mon avis il y a une fenêtre de temps quand tu as une famille pour renter. Si tu la dépasses, après pour revenir c’est très difficile. Tu peux revenir surement mais une fois retraité (rires..). Le retour à Abidjan en décembre 2016 était donc motivé par tout cela.

 

5-   Pourquoi n’avoir pas choisi de travailler directement dans la pharmacie de votre mère, une fois de retour au pays ?

Tout d’abord parce qu’en rentrant, j’ai été débauché par un laboratoire pharmaceutique international dont le siège pour l’Afrique de l’Ouest était à Abidjan. J’y ai travaillé à divers postes durant plus de 3 ans. Cela a été une riche expérience et m’a renforcé dans l’idée d’être à mon propre compte dans le cabinet de consulting pharmaceutique où je suis le Managing Director actuellement. Ainsi dans le cadre de mes activités, la pharmacie de ma mère est un de mes clients premiums. De même, il est vrai que j’ai la bougeotte, je touche à beaucoup de sujets dans le secteur pharmaceutique, ayant la volonté de pouvoir faire avancer les choses dans la profession à mon humble niveau.  Enfin, le dynamisme de ma mère et sa passion pour la profession, ce qui est très inspirant et motivant, me donnent la chance de pouvoir explorer de nouveaux métiers de la Pharmacie.  

 

6-   Quelle est la différence entre être pharmacien en Occident et être pharmacien ici en Côte d’Ivoire ?

Votre question n’est pas complète puisqu’il y a différents types de pharmaciens. Je vais prendre donc le postulat de l’officine…si je prends l’officine, je dirai que le pharmacien en Occident a des connaissances et compétences très poussées mais ne les utilise pas totalement au bénéfice des patients parce que le cadre et la réglementation sont très strictes, surtout aux Etats-Unis où ils ont très peur d’être attaqués en justice. Donc très vite, ils ramènent les patients chez le médecin. Alors qu’ici, le pharmacien est constamment sollicité parfois pour des sujets allant au-delà de ses connaissances et compétences. Il doit très vite prendre la mesure de son rôle d’agent de santé publique. Son impact peut être ressenti comme plus grand. Toutefois, que ce soit en Occident ou en Afrique, il y a beaucoup plus de similitudes que de différences entre les pharmaciens.

Je dirais enfin que dans les autres secteurs, notamment l’industrie pharmaceutique, la grosse différence serait les différents rôles possibles pour un pharmacien en occident par rapport à ceux d’ici. Le choix est beaucoup plus vaste en Occident.

7-   Comment est née votre société SOCAPHARM ?

La Société Africaine de Consulting Pharmaceutique (SOCAPHARM) est une deuxième société d’une idée que j’ai eue lorsque j’ai terminé mes études en Belgique. En 2004, avant d’aller aux États-Unis, je croyais déjà au digital comme une des solutions pour favoriser une meilleure santé pour nos populations. J’avais donc voulu utiliser cela pour pouvoir répondre aux besoins des patients, pour faciliter la vie de tout un chacun, même si on était encore au début de l’internet en Côte D’Ivoire. J’avais exposé ce projet qu’on avait avec deux amis camerounais pharmaciens de Belgique au Doyen de l’UFR Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de l’époque, Pr Koné Moussa, qui avait très vite adhéré à l’idée et avec qui je m’étais associé à l’époque pour la partie ivoirienne. On a commencé en autre par ivoiresante.net qui se voulait être le portail pharmaceutique et médical ivoirien de référence. Malheureusement, le Pr Koné Moussa est décédé en 2012.  La création de SOCAPHARM est donc aussi un hommage au Pr Koné Moussa qui avait cru en moi et du moins par rapport à ce que j’avais accompli avec lui, je me devais de recréer une société dans la vision reçue dès 2004. Aujourd’hui SOCAPHARM est une société de consulting pharmaceutique spécialisée dans la communication digitale, la création de solutions digitales de santé, la réalisation d’enquêtes, le marketing pharmaceutique, le coaching et la formation des équipes et pharmaciens.

 

 

8-   Vous avez aussi créé les oscars de la santé, de quoi s’agit-il exactement ?

Les oscars de la santé est une activité du club SOCAPHARM, qui est inspirée de SOCAPHARM mais est indépendante. En effet, le club SOCAPHARM est le premier club des professionnels de santé qui regroupe pharmaciens mais aussi médecins, étudiants en sciences de la santé, et tout professionnel de santé ou ami de la santé. Les principaux buts du club sont de consolider les liens entre les professionnels de santé, développer le networking de ses membres, favoriser les rencontres, réflexions et échanges et enfin contribuer au développement personnel de ses membres.

A un moment, nous constations tous qu’il y avait beaucoup de plaintes concernant nos professionnels de santé. Alors que d’un point de vue personnel, les professionnels de santé en Côte d’Ivoire ont quand même une certaine éthique. Et ils font tant bien que mal, avec les moyens qu’ils ont, ce qu’ils peuvent. Donc on a décidé de pouvoir permettre à la population et aussi aux agents de santé de pouvoir honorer ces personnes qui sont des exemples, et c’est cela les oscars de la santé. Cette année, c’est la première édition. Nous avons 7 catégories : le pharmacien de l’année, le médecin de l’année, le grossiste répartiteur de l’année, le CHU de l’année, la structure sanitaire privée de l’année et deux catégories pour les étudiants comme le futur pharmacien de l’année et   le futur médecin de l’année. C’est vraiment une cérémonie de reconnaissance qui met en avant des exemples de professionnels de santé ou structure de santé.

 

9-   Dernièrement vous avez présenté une carte virtuelle qui est IVOIREHEALTH, à quoi sert-elle exactement ?

C’est une carte épargne santé, grâce à laquelle, nous avons été parmi les 5 lauréats d’Orange Fab Season 7.  La carte virtuelle IVOIREHEALTH permet à tout un chacun de pouvoir épargner pour sa santé et de se faire servir dans les pharmacies partenaires. Elle permet donc aux personnes du secteur informel d’épargner mais aussi au besoin de pouvoir choisir une micro-assurance proposée sur la plateforme IVOIREHEALTH.  C’est une carte qui peut être pour soi ou pour une personne tierce. En effet, parfois on est malade et on n’a pas d’argent. Parfois encore on a de l’argent et on n’est pas malade. La carte IVOIREHEALTH est donc un système de convenance pour leur permettre de se faire servir dans les pharmacies et garantir l’accès à des médicaments de qualité. Cette carte est en ce moment dans 9 villes mais l’année prochaine, on va pouvoir, avec le partenariat qu’on a tissé avec l’UNPPCI, toucher chaque région pharmaceutique. C’est une carte qui est accessible à tous. Tout le monde peut la télécharger sur Google Play. Il y aussi une interface web : www.ivoirehealth.com. Et chaque pharmacie peut être partenaire avec nous sans rien payer.

 

10-Vous avez réalisé un sondage sur l’expérience des pharmaciens pendant la période post-Covid, quels sont les résultats de ce sondage ?

Effectivement, en partenariat avec AFRICASIUM, nous avons réalisé le sondage : Retour d’expérience des pharmaciens dans la lutte contre la COVID-19 en mai et juin 2021. C’était un partenariat avec l’Ordre National des Pharmaciens de Côte D’Ivoire qui voulait avoir le retour d’expérience des pharmaciens pendant la période de COVID-19, d’abord par rapport à une situation d’information et d’action qu’eux-mêmes auraient mené. Les résultats ont donc été communiqués à l’Ordre, c’est à eux de les divulguer s’ils le souhaitent.

Mais dans l’ensemble ça s’est bien passé. Les pharmaciens pour la majorité ont été satisfaits des actions de l’Ordre avec à sa tête Dr DIARRA Arounan, durant la COVID-19.

                                       

11-Vous êtes aussi enseignant vacataire, quelles sont les réalités de l’école de Pharmacie en Côte d’Ivoire ?

Ce que je note, c’est que les jeunes sont très dynamiques. Ils viennent avec pleins de rêves et d’espoir. Cependant, ils sont beaucoup dans la théorie et sont de moins en moins présents au cours car s’adonnant souvent à d’autres activités en parallèle.

J’ai l’honneur d’enseigner l’entreprenariat et le leadership pour pouvoir leur faire comprendre les rudiments de l’entreprenariat et comprendre ce que c’est que le leadership. Je donne aussi un cours intitulé "L’image professionnelle’’, qui aide à comprendre ce que c’est qu’appartenir à la profession pharmaceutique, ce que signifie s’appeler confrère ou consœur, quels sont nos droits et nos devoirs envers la population. On a aussi de la pratique sur les conseils pour faire un CV, une lettre de motivation, comment effectuer une recherche efficace d’emploi et comment se comporter lors d’entretiens d’embauche. Grosso modo tout ce qui concourt à l’image professionnelle d’un pharmacien.   

En résumé, je trouve que l’école de Pharmacie ivoirienne est d’un bon niveau. L’UFR a des enseignants chercheurs de haut niveau ; la preuve  la réussite à 100% des candidats à l’agrégation tout récemment. Ils veulent tous partager leur savoir et la jeune génération qui arrive est aussi prometteuse et saura aider l’UFR à relever les défis, elle qui aura 50 ans en 2027.  Je suis très honoré de pouvoir faire partie des enseignants vacataires et pouvoir apporter ma pierre à l’édifice de la formation des pharmaciens de Côte d’ivoire.

 

12-Quelle lecture faites-vous de la pharmacie en Côte d‘ Ivoire ?

Nous avons eu des ainés qui ont ouvert le chemin en traçant le développement de la pharmacie en Côte D’ivoire. Le président DIARRA aime à dire que l’Ordre a été créé moins d’un mois après l’indépendance de notre pays le 2 septembre 1960. Cela montre déjà qu’il y a avait des pairs et pères de qualité que je n’ai pas eu la chance de connaitre : Dr MANGOUA Clément, Dr OLLO Gabriel, Dr EBAGNITCHIE Edouard, Dr MOCKEY Jean-Baptiste, suivi par une autre génération qui sont nos ainés : Dr MANGOUA  Gérard, Dr DIAWARA Ibrahim, Dr Bleu-Lainé Simone, Dr EGNANKOU Juliette, Prof MALAN Anglade, Pr Koné-BAMBA Diénéba, Professeur BAMBA Moriferé, Dr ASSANA Sangaré, DR AKA Aouelé et bien d’autres que j’oublie sûrement. Ce sont tous des ainés qui ont façonné la profession et vraiment placé la barre haut. Pour nous les jeunes, nous voyons bien que la pharmacie en Côte d’ivoire est organisée et structurée. Nous avons la lourde tâche de maintenir la profession au niveau trouvé et aller dans la mesure du possible plus loin encore notamment en ne ratant pas le coche de la digitalisation de la profession. Sinon, nous avons des instances dynamiques et qui se battent tous les jours pour la profession et je trouve qu’on ne leur rend pas assez hommage. C’est vrai que qui aime bien châtie bien, on est plus souvent dans la critique mais à travers vous je voudrais rendre un hommage appuyé à toutes nos instances pharmaceutiques qui régissent notre profession : le CNOP-CI, l’UNPPCI, la MAPHAR, la SOPHACI, l’UNAPHAFCI, l’AIRP, la DAP, la COPHARM MUTUELLE ET LA COPHARM INVEST.

 

13-Quels conseils pouvez-vous donner à la jeune génération ?

Il est important à mon avis d’avoir une vision en embrassant cette noble profession. Tout jeune étudiant en Pharmacie doit savoir pourquoi il veut être pharmacien. Il faut aussi qu’il puisse se projeter dans le futur. Actuellement on a l’impression que les jeunes confrères et futurs confrères sont plus guidés par le revenu financier que par le devenir de la profession.  L’aisance financière est certes importante, mais on ne vient pas à la profession pharmaceutique dans un premier abord pour être milliardaire. On y vient parce qu’on pense qu’on a des capacités pour pouvoir aider la population si on est en officine, à pouvoir créer et concevoir des médicaments si on est en industrie, à pouvoir enseigner si on est à la faculté, etc. Les jeunes doivent jouer leur partition et se dire aussi que seul the sky is the limit. Tout ce qu’ils veulent faire, c’est à eux de le faire, tout ce qui n’est pas fait en pharmacie, s’ils veulent le faire, ils peuvent le créer tout en gardant une certaine éthique et conscience professionnelle. Ensemble nous sommes un ensemble et l’union fait la force. Il est important de ne pas négliger cette solidarité confraternelle et de l’entretenir. Merci à PharmaConsults, qui est un exemple de ce que peut faire la jeune génération quand elle veut, de m’avoir offert l’occasion de donner mon opinion sur la profession.

 

 


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